HRP : N'hésitez pas à venir profiter du spectacle de Lipe, il est pô méchant <3
Même après dix ans, Felipe n’eut aucun mal à retrouver la route menant au Chemin de Traverse. Son navire – un petit voilier qui ne payait pas de mine – était arrivé à l’aube aux docks de St Katharine, sous une brise vivifiante qui avait tôt fait de réveiller chacun de ses sens. Le sorcier avait amarré le bateau dans un coin reculé, puis l’avait abandonné aux mains d’un moldu qui passait par là. Il ne reverrait sans doute jamais ce fidèle bâtiment, mais quelle importance ? Son voyage touchait à sa fin. L’avenir, pour lui, ne se trouvait plus dans la cale confortable d’un bateau.
De retour dans les rues de Londres, il lui suffit de suivre le chemin qu’il avait emprunté tant et tant de fois après l’obtention de son diplôme. Les allers-retours avaient été fréquents entre l’Espagne et le Royaume-Uni, lorsqu’il était plus jeune. Il avait alors des amis à retrouver, des amants à qui rendre visite... Mais tous ces souvenirs étaient ceux de son ancienne vie. Désormais, il ne connaissait plus personne, et cela lui convenait très bien !
Il lui fallut plus d’une heure pour rejoindre la très familière Charing Cross Road. Le soleil pâle ne réchauffait pas vraiment l’atmosphère hivernale, mais cela n’empêchait pas Felipe de transpirer à grosses gouttes. Après tout, une heure de marche, ça fatigue ! Par chance, l’espagnol ne tarda pas à trouver le Chaudron Baveur, caché dans un coin de la rue qui semblait invisible aux yeux des moldus. La présence de ce pub était une bénédiction. Déjà, parce qu’elle lui permettait de rejoindre le Chemin de Traverse sans avoir à transplaner – il aimait bien mieux s’y rendre à pied. Ensuite, parce qu’elle lui offrait une bulle paisible pour se reposer un peu.
L’ambiance au Chaudron Baveur était à la fête. Quelques-uns des clients présents s’amusaient à chanter des comptines de Noël. Il y en eut un qui proposa un verre de whisky à Felipe, mais celui-ci refusa avec un sourire. D’autres, visiblement ivres morts, ronflaient bruyamment sur des tables mal en point, recouverts d’une neige magique qui tombait du plafond. Pour ces braves gens, ce n’était pas le matin mais une fin de soirée légendaire.
Ne serait-ce pas le réveillon de Noël ? L’espagnol ne le comprit pas tout de suite, mais au vu de la décoration de la salle, de l’ambiance... Cela lui sembla logique. Et s’ils avaient fêté le réveillon la veille, cela signifiait que c’était Noël ! Après plusieurs mois en mer, il n’imaginait pas revenir en ville pour célébrer ce jour. Mais, maintenant qu’il se retrouvait devant le fait accompli, il dut reconnaître qu’il aimerait profiter de l’occasion.
Soudain enjoué, Felipe s’en alla vers le Chemin de Traverse. Il passa l’arcade de pierre sans y prêter vraiment attention, puis prit la direction de Gringotts. Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas vérifié l’état de son coffre, mais il espérait y trouver quelques économies pour subsister ces prochains jours. Cruelle erreur. Plus une seule pièce, même pas une noise. Pas de quoi vivre, ça, c’était sûr.
En ressortant du somptueux bâtiment, il jeta un coup d’œil dans son sac en bandoulière. Agrandi par magie, ce sac contenait tout son nécessaire de voyage. Il y trouva rapidement ce qu’il cherchait. Quelques gallions se battaient en duel, accompagnés d’une petite flopée de mornilles. Clairement pas assez pour se payer un logement, mais suffisamment pour s’offrir une nuit au pub. En fin de compte, tout n’allait pas si mal. Mais peut-être aurait-il dû y réfléchir à deux fois avant de céder son bateau à un moldu...
Pour autant, Felipe ne se laissa pas abattre. C’était Noël, après tout ! Seule la bonne humeur était de mise, et il comptait bien faire don de la sienne aux rares passants de cette rue commerçante.
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal...
Ces quelques vers d’un vieux poème français lui revinrent en mémoire. Eh, il était pauvre ! Ses poches ne lui servaient plus à rien, et ses habits, bien que toujours colorés, faisaient presque peine à voir. Mais il lui restait une chose qu’on ne lui retirerait jamais : l’Art ! Voilà ce qu’il pouvait offrir en ce 25 décembre. Cela ferait plaisir à tout le monde – d’autant qu’il avait remarqué que certains passants faisaient grises mines, il lui fallait donc leur remonter le moral.
Alors, Felipe se plaça bien au centre du Chemin de Traverse. Il sortit de son sac une guitare, un accordéon et une flûte de Pan. Trois instruments dont il avait appris à jouer au cours de ses voyages. Il s’éclaircit ensuite la gorge, et déclara avec ferveur :
- Damas y caballeros, ¡bienvenidos ! Afin de célébrer ce très joyeux Noël, laissez-moi vous offrir un spectacle de toute beauté, à voir et à entendre. Si vous en avez les moyens – et si le cœur vous en dit, bien sûr – n’hésitez pas à me laisser quelques pièces pour vivre plus confortablement. Sinon, eh bien... Profitez simplement du spectacle !
Il sortit Luz de sa poche à baguette et pointa les instruments qui patientaient sagement sur le sol.
- Anima Onnat !
Seule la guitare daigna se redresser et jouer un petit air de flamenco. Felipe récupéra la flûte de Pan pour accompagner son instrument. Il fit également quelques pas de danse, un peu inutiles puisqu’il ne pouvait bouger que ses jambes. Enfin, au moins, il proposait quelque chose de joyeux à ses spectateurs ! N’était-ce pas l’essentiel ?