Les débarras des sous-sols magiques abritent souvent des substances instables, des artefacts défectueux, des potions fermentées, des runes dormantes ou encore d'obscures créatures mises en quarantaine loin des habitants. Un lieu fascinant pour chaque jeune sorcier en quête d'aventure, une verrue pour les plus vieux. Freya retrousse son nez imprégné d'odeur âcre, pouffant silencieusement face aux grimaces du Gallois. Elle nie et pose une main contre sa bouche rieuse afin d'en contenir les gloussements et de cacher les rougeurs qui brûlent ses joues comme lorsqu'elle avait 12 ans.
La proximité d'Elliot n'arrange rien. Quand sa paume lui caresse la hanche, Freya se consume de l'intérieur, imaginant des gestes plus intimes et volontaires. "Il a pas fait exprès, calme-toi, on doit résister" répète-t-elle à son esprit bouillonnant jusqu'à ce qu'ils sortent du placard exigu.
— T'es devenu trop sage, c'est tout, ironise-t-elle délibérément en vérifiant l'extrémité de son balai malmené entre les étagères. Heureusement, le matériel OCQ mérite sa réputation et le prototype demeure intact. Par contre, le deuxième, merde, il a dû rentrer à l'atelier, ils ont une mémoire des trajets avec le coeur. Encore une innovation Carter qui permettra aux joueurs d'entraîner leur matériel à exécuter des scénarios d'attaque ou de défense en plein match. Elle mordille ses lèvres en réfléchissant et ramène sa chevelure désorganisée vers l'arrière. On va trouver une zone libre et transplaner. La visite des souterrains de Pré-Au-Lard s'achève à pieds, en prenant garde aux runes de protection, jusqu'à rejoindre un tunnel de terre non loin des caves privées du commerçant. Habituée au transplanage et à l'escorte, Freya tend son bras au batteur des Catapultes en serrant fermement le manche du balai de sa main opposée, et tous les trois disparaissent au milieu d'un tourbillon invisible à l’œil nu.
L'atterrissage s'avère inconfortable, leurs corps enchevêtrés dans une maisonnette de jardin pour petit sorcier. La rousse s'extirpe en grognant, ses épaules passant difficilement la porte miniature. Faut vraiment qu'on change ça, ça devient ridicule. Elle aide Elliot sous l’œil curieux d'une jeune fille aux longs cheveux roux, suspendue par les jambes à la branche d'un prunier dirigeable à quelques mètres d'eux.
— Salut encore Elliot Blackburn. Salut Yaya, sourit la pré-adolescente, un bouquet de prunes flottant au-dessus de sa main fermée sur les tiges.
— Qu'est-ce que tu fais là haut ?
— J'me demandais c'que ça fait d'être un fruit.
Coutumière des récits et idées fantasques de sa sœur, l'aînée Carter se contente de récupérer son balai en s'écriant alors qu'elle se fait soudain mordre le poignet. Ah ! Saleté ! Saisissant une espèce de pomme de terre boueuse dotée de pattes, elle n'a pas le temps de le faire tournoyer que Charlie saute de sa branche pour protester. NON ! À bas la maltraitance des gnomes !
— Charlie, t'es reloue, on est envahies là ! répond Freya en balançant mollement la créature dans un buisson.
— J'm'en fiche ! Ils ont des sentiments et ils ressentent la douleur comme nous ! Il va perdre son terrier et sa famille si tu fais ça ! L'apprentie sorcière réclame l'avis de leur invité. Elliot, pour ou contre l'étourdissement des gnomes de jardin ? C'est une méthode arriérée, ça devrait plus exister ! Ne me déçois pas !
— Charlie, on fait ça depuis la nuit des temps, laisse Elliot tranquille. Tandis qu'elle retourne en direction de l'entrée dérobée de l'arrière boutique, son regard est attiré par un tas de vêtements jetés au sol sur la terrasse. C'est c'que j'avais acheté pour Alison ça, pourquoi c'est là ?
— Elle est venue chercher des trucs.
— Elle est là ?
— Ouaip.
Meilleur moment. La Poufsouffle lance une expression désolée au sportif alors qu'ils passent le seuil de l'arrière boutique et entendent la voix d'Alison retentir. T'as mis où les colis ?
— Salut Alison.
— Salut. T'as mis où les- oh. Salut Elliot !
Rajustant sa frange aussitôt qu'elle aperçoit le jeune homme, Alison mâchonne son chewing-gum et dévisage les deux silhouettes en face d'elle. Vêtue d'une jupe courte façon patineuse et d'un pull noir moulant, l'adolescente entortille ses phalanges dans les mèches flamboyantes qui retombent sur son épaule. C'est trop pour Freya.
— Tu veux pas mettre des collants là ? il fait 10 degrés. Et c'est quoi les habits par terre, que j't'ai acheté la semaine dernière ?
— J'ai une culotte, tu devrais être contente, étant donné qu'tu me prends pour une grosse catin. Et tes trucs là ? C'est pas des vêtements ça, c'est des uniformes de prison.
— ALISON !
— Quoi tu veux la voir ? C'est pas car tu t'habilles en récup' que j'dois faire pareil j'te signale. Et Elliot sait qu't'as un t-shirt avec sa grosse tête dessus en pyjama ?
— Prends tes runes et tes colis et barre-toi Alison.
— Ah maintenant tu veux que j'me barre ?! Bravo. J'croyais que j'venais pas assez à la maison. T'as changé d'avis ?